Cameroun : vers une privatisation stratégique d’Alucam

par Afrikaleaks La Rédaction
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Une industrie de l’aluminium en difficulté

L’avenir d’Alucam, fleuron historique de l’industrie de l’aluminium au Cameroun, est au centre de tractations discrètes entre le gouvernement et la société d’investissement singapourienne Eagle Eye Asset Holdings. Face à des déficits chroniques et une compétitivité en berne, l’État camerounais cherche une porte de sortie pour cette entreprise stratégique. La solution envisagée : une privatisation partielle ou totale qui permettrait de redonner un souffle nouveau au secteur.

Cependant, ces négociations sont menées dans un climat d’incertitude. L’approche d’une élection présidentielle sensible, combinée aux défis structurels que représente l’exploitation industrielle de l’aluminium dans le pays, incite Eagle Eye à la prudence. Pour l’instant, les discussions avancent loin des regards, sans qu’aucun calendrier précis n’ait été communiqué.


Un secteur en perte de vitesse

Autrefois moteur de l’économie camerounaise, Alucam peine aujourd’hui à suivre la dynamique du marché mondial. Confrontée à des coûts de production élevés, une gouvernance déficiente et une infrastructure énergétique limitée, l’entreprise a vu sa rentabilité s’effriter au fil des ans. Le Cameroun dispose pourtant d’atouts non négligeables, avec des ressources en bauxite et un accès au réseau hydroélectrique de l’usine d’Edéa. Toutefois, ces avantages sont largement contrebalancés par un manque d’investissements dans la modernisation des installations.

Face à cette situation, l’ouverture du capital à un acteur étranger apparaît comme une solution pragmatique. Mais encore faut-il que les conditions de cette éventuelle privatisation soient acceptables pour les parties prenantes.


Eagle Eye : un intérêt prudent pour Alucam

Eagle Eye Asset Holdings, peu connue du grand public, est une société singapourienne spécialisée dans l’investissement dans les industries de matières premières. Son intérêt pour Alucam témoigne d’une volonté d’étendre son portefeuille dans le secteur de l’aluminium, un marché en forte demande sur le plan international.

Mais les dirigeants d’Eagle Eye ne comptent pas se précipiter. Selon plusieurs sources proches du dossier, l’entreprise conditionne son engagement à des garanties solides : une stabilité politique renforcée, des assurances sur la fourniture énergétique et un accès facilité aux infrastructures portuaires. Pour l’instant, ces exigences semblent encore en cours de discussion avec Yaoundé.


Les enjeux énergétiques, un obstacle majeur

L’un des principaux défis pour tout repreneur d’Alucam réside dans l’accès à une électricité stable et compétitive. L’industrie de l’aluminium est particulièrement gourmande en énergie, et une grande partie de la rentabilité du secteur repose sur des coûts énergétiques maîtrisés.

Le barrage hydroélectrique d’Edéa, historiquement conçu pour alimenter l’usine d’Alucam, n’est aujourd’hui plus suffisant pour répondre aux besoins croissants. Des investissements massifs seraient nécessaires pour moderniser et étendre ces infrastructures. La question est de savoir si le Cameroun est prêt à concéder ces aménagements à un investisseur privé.


Un contexte politique incertain

Outre les défis industriels, le contexte politique actuel du Cameroun complique la conclusion rapide d’un accord. L’approche des élections présidentielles crée un climat d’incertitude qui incite les investisseurs étrangers à la prudence. Un changement de leadership pourrait modifier les priorités économiques du pays et remettre en question les termes d’un éventuel rachat.

Le gouvernement camerounais, de son côté, cherche à rassurer les investisseurs en mettant en avant un cadre légal favorable aux affaires et une volonté affichée de moderniser les entreprises publiques en difficulté. L’enjeu pour Yaoundé est de parvenir à un accord qui bénéficie à la fois à l’État, aux travailleurs d’Alucam et à l’investisseur privé.


Un précédent pour d’autres privatisations ?

Si la privatisation d’Alucam se concrétise, elle pourrait ouvrir la voie à d’autres initiatives du même type. Plusieurs entreprises publiques camerounaises sont aujourd’hui en difficulté, et l’État pourrait être tenté de répéter l’expérience dans d’autres secteurs clés, notamment l’énergie et les transports.

Toutefois, la réussite d’une telle opération dépendra largement des conditions négociées. Une privatisation mal encadrée risquerait d’aggraver la précarité des travailleurs d’Alucam et de limiter l’impact positif attendu sur l’économie locale.


Conclusion

La privatisation d’Alucam représente une étape stratégique pour le Cameroun, qui cherche à attirer des capitaux étrangers pour moderniser son industrie de l’aluminium. Eagle Eye Asset Holdings, investisseur potentiel, avance avec prudence dans des négociations encore floues, conditionnant son engagement à des garanties solides sur le plan énergétique et logistique.

Si cet accord aboutit, il pourrait redéfinir l’industrie camerounaise de l’aluminium et marquer un tournant dans la politique économique du pays. Mais pour l’instant, l’avenir d’Alucam reste suspendu aux incertitudes politiques et aux défis structurels que le Cameroun devra relever pour séduire un repreneur.

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