Dans tous les quartiers d’Abidjan y a un ancien binguiste qui est venu pour les vacances et qui n’est jamais reparti faute de visa; façon il regrette. La Weston n’a plus bonne allure, mais il ne lâche pas l’affaire : cirée comme jamais.
Au terrain, tous les dimanches tu admires un petit qui a sa place en équipe nationale, mais galère dans les tournois de maracana. Sur le parking y a toujours une grosse berline recouverte de poussière et abandonnée parce le proprio n’a jamais pu acheter la pièce de rechange. Si les sièges arrières et le capot de cette voiture pouvaient parler, beaucoup de couples au quartier allaient se séparer.
Justement dans certaines rues il y aura toujours un ou deux lampadaires publics que la CIE aura beau réparer, le lendemain lance-pierres va casser ampoules :
« laissez nous fricoter en paix, c’est quelle lumière ça »!
On a nos plantations d’hôtels dans les couloirs : tu passes ici ampoule rouge, tu passes là-bas ampoule rouge, comment on va faire, on est bien obligé de marquer des coups d’arrêt.

Dans chacun de nos quartiers, le placali de la nouvelle tantie qui a commencé à vendre est « gbé », mais tôt ou tard on revient chez l’ancienne, c’est elle seule qui nous fait crédit :
– mon client tu étais où, ça fait deux jours hein …
– javais un peu voyagé.
Et c’est la où elle te sourit en te souhaitant la bonne arrivée, mais toi-même tu sais qu’elle vient de faire sortir un petit tchrrrrr dans son coeur.
Diallo a percé il est sur whatsapp en arabe avec son infinix qui est meilleur que le tien, donc quand il te demande de lui montrer ton téléphone « il va voir » . Toi tu vois ça en foutaise donc tu refuses; C’est pas toi qui l’insulte de gaou ici tous les jours?

À chaque fois que tu arrives au kiosque et que tu demandes à diallo y a combien de plats spaghettis avant toi, il va toujours te répondre « y a deux seulement », ils se sont accordés ou quoi ?
La plus belle go du quartier n’est plus au quartier. Un vieux père a fait prêt à emporter. Les autres filles sont en groupes deux-deux ou trois-trois avec toujours une qui veut rentrer chez elle au moment où son amie est intéressée par tes avances.
La tantie qui passait de maison en maison après l’église pour bien montrer que c’est elle seule la plus grande chrétienne du monde, est où même?
Au quartier si y a pas un Rougeot, un JB, un Guyzo, un Vetcho, ou un Cisco, c’est que vous ne les connaissez pas, sinon ils sont là.
La petite fille Awa on négligeait et qui faisait bon papier est devenue grande patronne. Elle a frappé la maison de ses parents. Faut voir leur malin ici.
Dans tous les quartiers, y a vieux père diplômé qui gère cabine. Si tu as son crédit 200, walaï tu vas quitter le quartier. Je sais pas en comment, mon cousin catéchèse Benoit, qui était si timide est devenu un coup « Président Trois fois Ben le Saoudien »; ah le coupé-décalé.
Au quartier y a les gos de Facebook et y a Les gos « FaceAFace », c’est plus les mêmes en vrai. Et puis leurs soeurs « akpagni Iphone X » sont de plus en plus jeunes, elles sortent à 18h, rentrent a l’aube, généralement défraîchies. Le bizz n’est pas facile.
Les manguiers et les bananiers du quartier n’ont jamais de fruits. Décidément de génération en génération les enfants se passent le mot : razzia sur les mangues de la veille mère. La pauvre…
Les deux frères qui vendent courant, canal araignée et internet sont devenus millionnaires.

Le meilleur coin du quartier c’est le maquis où tu peux payer après. Ca rend service quand c’est un peu mou sur toi : « écoute bébé on reste prendre un pot pas loin de chez moi, je suis un peu fatigué ce soir ».
Le tonton policier qui nous terrorisait quand on était petit, est malade et a vieilli, il me fait de la peine, vraiment l’homme n’est rien.
L’APF du quartier est forcément le meilleur d’Abidjan. Et le zeguen on n’en parle pas.

C’est au quartier qu’on montre à enfants de boss qu’on fait rien avec eux. D’ailleurs c’est au quartier qu’ils viennent s’enjailler, eux-même ils connaissent, plus doux que le couloir y a pas. Mais hélas le quartier a son lot de martyres:
- un petit brouteur abattu dans une sombre histoire de braquage;
- un patriote dont on a jamais retrouvé, ni le corps, ni aucune trace après la crise;
- deux ou trois doyens à la Macca, affaires de transit ou de terrain.
- le violeur du couloir, mille fois prévenu, mille fois récidiviste. 20 ans, ca lui apprendra;
- et des dizaines de jeunes, la plupart au niveau BTS, sans emploi.
Mais le quartier, c’est le quartier, on y revient toujours, et même si on l’a quitté, on l’a jamais vraiment quitté de coeur.
Les binguistes en savent tous quelque chose…