El Anatsui est l’un des artistes phares du continent africain. Cet artiste élève les rebuts de nos sociétés de consommation au rang d’œuvres d’art, tout en pointant les séquelles des périodes coloniale et post-coloniale sur le continent africain.
Né en 1944 à Anyako au Ghana mais vit et travaille à Nsukka au Nigeria. Il est le plus jeune des 32 enfants que son père, un pêcheur et tisseur de kenté (un tissu traditionnel multicolore), a eus avec ses cinq épouses. Orphelin de père en bas âge, il a été élevé par son oncle maternel, un pasteur presbytérien. Le terreau artistique familial est fécond: plusieurs de ses frères sont musiciens et poètes. Lui, passionné par les arts visuels.
Coupé de sa culture autochtone africaine, il est âgé de 13 ans, quand, en 1957, son pays natal, la British Gold Coast (nom donné au pays par les Portugais, premiers colonisateurs de ces terres riches en or), accède à l’indépendance. «C’était l’euphorie. Le Ghana est alors le premier pays noir africain à s’émanciper», se souvient-il.


Etudiant au College of Art de l’Université des sciences et technologies de Kumasi à partir de 1964, il découvre, médusé, des programmes éducatifs calqués sur ceux de l’ex-puissance coloniale britannique. El Anatsui suit des cours afin de retrouver ses racines culturelles africaines, et observe les artisans tisserands, sculpteurs, percussionnistes et musiciens. Auréolé de son diplôme en éducation artistique de l’Université Nkrumah, il entame la création d’une série d’œuvres à partir de plateaux traditionnels en bois, inspirées de ceux qu’utilisent les commerçants ghanéens pour présenter leurs marchandises sur les marchés. Ses œuvres sont faites de fragments qu’il brise et perce s’inspirant des coutumes de l’Afrique de l’Ouest, où des pièces cassées et des fragments d’argile sont utilisés comme récipients rituels
«Je recherche ce qui est disponible dans mon entourage immédiat. Je travaille ces matières avec un objectif de régénération, avec l’envie de leur donner un nouveau souffle»
El Anatsui à propos de ses créations
Il installera plus tard son artelier d’artiste à Nsukka au Nigéria ou il vit depuis quarante-cinq ans maintenant, partageant son temps entre l’enseignement de la sculpture et sa propre création. Dans les années 1980 et 1990, il crée des œuvres en bois, découpées à la tronçonneuse avant d’être brûlées à l’aide d’un brûleur à gaz. Ces pièces sombres, comme celles de la série Grandma’s Cloth («Les habits de grand-mère», exposée à Berne). El Anatsui utilise des matériaux simples qui ont déjà eu une vie antérieure.

«Quand vous recourez à des objets qui sont passés de main en main, ceux-ci ont une charge, une énergie d’autant plus forte qu’ils ont été manipulés par un plus grand nombre de personnes. Vous ne retrouvez pas une telle énergie dans les pièces faites à l’aide de machines. J’utilise des rebuts, des objets jetés que j’élève, en les transformant, en œuvres d’art. Mon travail évoque les grands cycles de la vie, de la mort et de la régénération. Il reflète ma conviction que l’esprit humain est indestructible»
El Anatsui
- En 2007, ses œuvres sont exposées dans la section internationale de la Biennale de Venise
- Le 15 mai 2014 , « Paths to the Okro Farm » (2006) l’œuvre du sculpteur s’est vendue à 1,3 million d’euros chez Sotheby’s New York, le second prix le plus élevé jamais atteint pour l’achat d’une œuvre d’un artiste africain vivant.
- En 2015 il s’est vu attribuer la récompense suprême du Lion d’Or de cette même fondation.
- En 2019, toujours à Venise, il est la vedette du pavillon du Ghana, qui fête alors sa première participation à la Biennale.

D’un seul assistant à ses débuts, son atelier en a aujourd’hui recruté une quarantaine. Il envisage même d’établir un atelier au Ghana et un autre, dans la foulé aux Etats-Unis.